Des moyens, de la méthode et de la concertation avec les élus locaux : telles sont, en résumé, les demandes qui ont été formulées par les élus ultramarins, le 17 novembre, lors du débat sur les impacts du changement climatique et de la transition écologique. Réunis au Palais des congrès d’Issy-les-Moulineaux (92) à l’occasion de la rencontre des Outre-mer (un millier d’entre eux ont fait le déplacement), les élus ont exprimé leurs inquiétudes face aux crises climatiques exacerbées dans leurs territoires : « face à la montée des eaux, nous devons déplacer la commune d’Awala-Yalimapo [1 550 habitants, située sur le littoral nord], a illustré Michel-Ange Jérémie, maire de Sinnamary (2 800 habitants) et président de l’association des maires de Guyane. Il nous faut trouver du foncier disponible mais le dialogue avec l’Etat est difficile car il renvoie la balle aux élus et nous n’avons pas de moyens ».
Ericka Bareigts, maire de Saint-Denis (156 150 habitants) à La Réunion, touchée par plusieurs cyclones (dont Garance en mars dernier), a décrit le triple risque auquel l’île de l’océan Indien est confrontée : le recul du trait de côte, les ravines provoquées par le ruissellement des eaux et l’effondrement des terres en pente. « Nous avons 3 500 kilomètres de cours d’eau, propriété de l’Etat, qui les a abandonnés, a-t-elle déploré. Et le dernier plan de gestion des ravines date de 2010. Résultat, l’eau dévale les ravines, bouche les digues et provoquent des inondations. Et on rend les maires responsables de cette situation alors qu’ils n’ont ni le budget ni les compétences sur ce sujet. L’Etat doit de toute urgence se mobiliser pour prévenir les risques et revoir, en concertation avec les maires, les plans d’aménagement et d’urbanisme, notamment dans les quartiers fortement peuplés ».
Wilfried Weiss, maire de Koumac (3 980 habitants, Nouvelle-Calédonie), a décrit la difficulté pour les élus de gérer le recul du trait de côte « qui touche 3 000 kilomètres de littoral sur les 5000 kilomètres du territoire ». Près d’un an après le passage du cyclone Chido (une quarantaine de mort et autant de disparus), « Mayotte va mal, a alerté Madi Madi Souf, maire de Pamandzi (11 445 habitants) et président de l’association des maires de Mayotte. En dépit des aides précieuses apportées notamment par l’AMF [l’association avait lancé un appel à la solidarité et mis en place un dispositif de soutien avec la Protection civile et la Croix rouge], les dommages sur les réseaux d’eau, d’électricité, de télécommunications, sur les hôpitaux, les écoles et les routes sont toujours très lourds. Et la reconstruction s’est traduite par la création… de bidonvilles ! Nous voulons des constructions solides et une concertation étroite avec les élus pour prévenir les risques ».
La prévention et les moyens sont les deux priorités des élus ultramarins. Sur le premier sujet, le rôle des maires est déterminant. « Tout vient et tout part des maires, a expliqué Baptiste Rivoire, coordonnateur national des opérations à la Fédération nationale de la protection civile. Leur rôle est essentiel dans la gestion d’une catastrophe. Mais il est tout aussi essentiel dans la prévention des risques. Avec le soutien de l’Etat, ils doivent préparer des plans communaux de sauvegarde (PCS), organiser des exercices opérationnels de gestion de crise, partager avec toute la population une culture du risque ». Michel-Ange Jérémie a invité l’AMF à mettre en place « une cellule propre au changement climatique dans les Outre-mer pour sécuriser l’action des maires », qui pourrait être une déclinaison du groupe de travail « gestion des risques et crises », créé en 2022 au sein de l’association à la demande de son président, David Lisnard. « On a besoin d’intelligence collective, a souligné Frédéric Mortier, inspecteur général de l’environnement et du développement durable (IGEDD). Elus, experts, citoyens doivent coconstruire la décision publique, capitaliser le retour sur expérience de la gestion de crise, apprendre des aléas et mutualiser les bonnes pratiques ». « L’Etat doit travailler avec les élus car les maires sont responsables de la sécurité de leurs concitoyens face aux risques climatiques », a rappelé Héric André, maire de Vieux-Fort (1 730 habitants, Guadeloupe).
Le rôle des maires est aussi incontournable dans l’adaptation de leur territoire aux risques climatiques. Ils doivent remettre à plat les plans d’aménagement et d’urbanisme. Mais ceci nécessite des moyens techniques et financiers qu’ils n’ont pas, ont-ils unanimement souligné. « Nous sommes les premiers exposés et les financements ne nous sont pas apportés par l’Etat. Nous sommes oubliés », a déploré Sophie Charles, maire de Saint-Laurent-du-Maroni (51 735 habitants, Guyane) et vice-présidente de l’Association des communes et collectivités d’Outre-mer (ACC’DOM). « Les investissements sont colossaux et nous les chiffrons à 2,6 milliards d’euros pour les prochaines décennies », a témoigné Jocelyn Sapotille, maire de Lamentin (18440 habitants) et président de l’association des maires de Guadeloupe. « Notre atoll est situé à seulement deux mètres au-dessus de l’océan, c’est maintenant qu’il faut agir contre la montée des eaux et s’adapter autrement qu’en construisant simplement des abris de survie, a alerté Yseult Butcher, maire de Hao (1 030 habitants, Polynésie française). Nous devons revégétaliser, protéger la biodiversité, lutter contre la salinisation. C’est vers les maires que la population se tourne, nous sommes en première ligne mais avec peu de moyens ». Pour Jocelyn Sapotille, « les élus ont besoin d’outils, de stratégie et de moyens financiers ».
Sur ce dernier plan, plusieurs solutions ont été évoquées. Ericka Bareigts a plaidé en faveur « de la mobilisation des fonds européens avec une programmation pluriannuelle sur plusieurs décennies pour soutenir les collectivités ». Guy Geoffroy, vice-président de l’AMF, a indiqué que l’association et celle des élus des littoraux (ANEL) soutiennent la proposition formulée par Sophie Panonacle, députée de la Gironde, de créer un « Fonds érosion côtière » dans le cadre du projet de loi de finances 2026. Ce fonds pourrait être abondé par une contribution de 1 % sur le chiffre d’affaires des plateformes de location saisonnière. Intervenant en début de matinée avant de quitter la salle, au grand dam des élus, la ministre des Outre-mer, Naïma Moutchou, a assuré les maires du soutien de l’Etat, promis « une offre d’ingénierie renforcée » et indiqué qu’elle a « demandé à ce que l’on travaille à une simplification des procédures d’accès » notamment au fonds Barnier et au fonds vert pour permettre aux élus de lutter contre les risques climatiques « avec un accompagnement des préfets ». « Les difficultés sont exacerbées en Outre-mer, a rappelé David Lisnard, président de l’AMF. L’Etat doit en tenir compte dans les moyens qu’il donne aux élus ultramarins. C’est une question de justice territoriale ».
Les élus ultramarins auront de nouveau l’occasion d’échanger sur les problématiques climatiques dans le cadre du 107è congrès de l’AMF qui s’ouvre, mardi 18 novembre, à la porte de Versailles à Paris. Un forum sera consacré à l’aménagement durable adapté aux climats ultramarins (le 18/11 matin) et un autre à la gestion du recul du trait de côte (le 20 novembre matin).
Xavier Brivet pour Maire-info, article publié le 18 novembre 2025.
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